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9.08.2002

Nouvelles attaques des conservateurs contre les médias

En l'espace d'une semaine, la justice iranienne a multiplié les offensives contre la liberté de la presse : suspension de deux quotidiens réformateurs, menace de poursuites judiciaires à l'encontre de l'agence de presse officielle, IRNA, et mandat d'arrêt contre le journaliste réformateur Massoud Behnoud. Reporters sans frontières s'inquiète, par ailleurs, de l'arrestation de Nasser Zarafshan, avocat de plusieurs familles d'intellectuels et journalistes, assassinés en 1998.

"On a le sentiment que ces mesures constituent une "déclaration de guerre", adressée par la justice, au mouvement réformateur. Nous condamnons l'ensemble de ces mesures, prises dans un contexte d'extrême tension en Iran", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l'organisation. "Nous demandons au chef de la magistrature, Mahmoud Sharoudi, de revenir sur ces différentes sanctions qui démontrent, une fois de plus, le profond mépris de la justice à l'égard de la liberté d'expression", a-t-il ajouté.

Reporters sans frontières rappelle que le Guide de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, figure sur sa liste des prédateurs de la liberté de la presse dans le monde. Dix journalistes demeurent emprisonnés en Iran et plus de dix publications ont été fermées en moins de trois mois par la justice.

Le 8 août 2002, le quotidien réformateur Ayineh-é-Jonoub a été suspendu sur décision du tribunal 1410, dit tribunal de la presse, une semaine après sa première parution. Une des raisons mise en avant pour justifier cette mesure serait la récente condamnation de son directeur, Mohammad Dadfar, pour "propagande contre le régime".

La justice a également ordonné la suspension d'un deuxième quotidien réformateur, Rouz-é-No, en raison de la similitude de son nom avec celui d'un journal fermé le mois dernier, Nowrouz. Rouz-é-No avait pourtant obtenu l'accréditation nécessaire pour sa publication et devait paraître la semaine prochaine. Saïd Mortazavi, le juge du tribunal de la presse, a indiqué que la publication de ce quotidien "ne pourrait être autorisée qu'au moment où sera achevée la suspension de six mois du journal Nowrooz".

Le 7 août, le tribunal révolutionnaire de Téhéran a menacé de porter plainte contre l'agence de presse officielle IRNA suite à la publication "illégale" d'un communiqué d'un parti d'opposition, le Mouvement de libération de l'Iran (MLI). Le tribunal a expliqué que ce communiqué n'aurait jamais dû être reprise par l'agence en raison du statut non définitif des condamnations prononcées à l'encontre du parti et de ses membres. Fin juillet, le tribunal avait, en effet, interdit ce parti politique et condamné trente-trois de ses membres à de peines dde prison. Le 3 août, le MLI avait qualifié ce jugement d'"inattendu et étonnant".

Le même jour, Nasser Zarafshan, avocat des familles d'intellectuels et de journalistes assassinés en 1998, a été arrêté alors qu'il sortait de chez lui. En mars dernier, un tribunal militaire l'avait reconnu coupable de "divulgation des éléments du dossier" et l'avait condamné à cinq ans de prison. La cour d'appel avait confirmé, en juillet, le verdict. Nasser Zarafshan avait été arrêté en décembre 2000 suite à un discours tenu dans la ville de Chiraz. Il avait affirmé que les services de renseignements avaient assassiné, fin 1998, à Téhéran, cinq intellectuels iraniens : Majid Charif, éditorialiste pour le mensuel Iran-é-Farda, les écrivains-journalistes Mohamad Mokhtari et Mohamad Jafar Pouyandeh, et un couple, Darioush et Parvaneh Forouhar, tous militants pour la liberté d'expression en Iran. Au cours de son procès, l'avocat a déclaré qu'il n'avait pas pu divulguer des informations classées secrètes puisque les services de renseignement avaient admis leur implication dans ces meurtres.

Le 5 août 2002, la justice iranienne a lancé un mandat d'arrêt à l'encontre de Massoud Behnoud, collaborateur d'Adineh, Neshat et Asr-é-Azadegan. Le journaliste réformateur avait été arrêté par les autorités iraniennes le 9 août 2000 et avait été libéré sous caution le 16 décembre, peu avant l'ouverture de son procès. Il était accusé notamment d'"atteinte à la sécurité nationale", de "coopération avec des médias étrangers" et d'"insulte envers le Guide suprême", l'ayatollah Ali Khamenei. Le 10 septembre 2001, la cour d'appel avait confirmé le verdict le condamnant à dix-neuf mois de prison.