Back to News


Rfs.fr
France

Reporters sans frontières dénonce "un plan systématique des conservateurs pour museler la presse réformatrice"

9 août 2000
Dans une lettre adressée au chef de la magistrature, l'ayatollah Shahroudi, Reporters sans frontières (RSF) a protesté contre la condamnation à deux ans et demi de prison de Machallah Chamsolvaézine. L'organisation a également exprimé son inquiétude face à l'éventuelle arrestation de Massoud . Robert Ménard, secrétaire général de RSF, a demandé à l'ayatollah Shahroudi de "tout mettre en oeuvre afin que Machallah Chamsolvaézine soit immédiatement libéré et que Massoud Behnoud ne soit pas arrêté conformément aux règles de droit international qui proscrit toute peine de prison pour délit de presse". "Ces mesures ne sont autres que l'application d'un plan systématique des conservateurs pour museler la presse réformatrice" a dénoncé Robert Ménard. Depuis le 1er janvier 2000, vingt-quatre publications modérées ou réformatrices ont été suspendues en Iran, alors que onze journalistes sont actuellement détenus dans ce pays.

Selon les informations recueillies par RSF, la Cour suprême iranienne a confirmé, le 9 août 2000, la condamnation du journaliste Machallah Chamsolvaézine, incarcéré depuis avril 2000 pour "atteinte à l'Islam", à deux ans et demi de prison. En novembre 1999, il avait été condamné en première instance à trois ans de prison ferme et à une amende de douze millions de rials (environ 4000 euros).

Par ailleurs, le 9 août 2000, la justice iranienne a également délivré un mandat d'arrêt contre le journaliste Massoud Behnoud, proche du président réformateur Khatami. Il devait répondre de quatre-vingt-cinq plaintes déposées à son encontre, dont certaines par le ministère public et le groupe intégriste Ansar-Hezbollah. Le journaliste a refusé de se présenter lors d'une convocation de la justice et sera arrêté par la police s'il ne se présente pas au tribunal samedi 11 août 2000. Après dix ans de "silence professionnel", Massoud Behnoud avait pris position en faveur du président Khatami, lors des élections présidentielles de 1997. Il a depuis collaboré avec plusieurs journaux réformateurs qui ont été suspendus et intervient régulièrement sur des radios étrangères en persan.

RSF a rappelé que, dans un document du 18 janvier 2000, Abid Hussain, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a demandé "à tous les gouvernements de veiller à ce que les délits de presse ne soient plus passibles de peines d'emprisonnement, sauf pour des délits tels que les commentaires racistes ou discriminatoires ou les appels à la violence (…) l'emprisonnement en tant que condamnation de l'expression pacifique d'une opinion constitue une violation grave des droits de l'homme".

Communiqués de presse

22 janvier 2001 : L'Iran est aujourd'hui la plus grande prison du Moyen-Orient pour les journalistes. Reporters sans frontières lance une campagne de sensibilisation.
14 novembre 2000 : Deux journalistes risquent la peine de mort. Un troisième, torturé, entame une grève de la faim
14 août 2000 : La plus grande prison du monde pour les journalistes - RSF lance une pétition de soutien à la presse réformatrice
7 août : Reporters sans frontières : "Ali Khamenei démontre une nouvelle fois qu'il est l'un des "prédateurs" pour la liberté de la presse les plus dangereux"


Communiqués de presse / Chronologie / Liste des prisonniers emprisonnés / Appel pour l'arrêt des poursuites contre le caricaturiste iranien Nik Ahang Kosar

Bilan

Le 6 août 2000, le Guide de la République islamique, l'ayatollah Sayed Ali Khamenei, a obligé le Parlement, dominé par les réformateurs, à retirer de l'ordre du jour le débat sur l'amendement de la loi sur la presse. Cette dernière, adoptée en avril dernier par un Parlement, encore contrôlé par les conservateurs, était particulièrement liberticide. Cette décision démontre, une nouvelle fois, qu'Ali Khamenei est l'un des vingt prédateurs les plus dangereux pour la liberté de la presse recensés par RSF.

Depuis la défaite des conservateurs aux élections législatives, une violente répression s'est abattue sur la presse réformatrice : vingt-cinq publications ont été suspendues depuis le 1er janvier 2000 et quatorze journalistes sont actuellement emprisonnés.

La loi sur la presse avait été adoptée le 17 avril dernier par le Parlement sortant. Elle interdit à un journal suspendu de réapparaître sous un nouveau nom et rend plus difficile l'octroi d'une licence pour une publication. Le texte prévoit également qu'un journaliste qui a déjà fait l'objet d'une condamnation ne peut plus exercer sa profession et que la responsabilité des articles n'incombe plus seulement au directeur de la publication mais peut aussi être imputée à l'auteur même de l'article. D'autres articles de la loi interdisent "toute aide étrangère directe ou indirecte aux journaux" et la publication d'articles critiquant la constitution.

Parallèlement à cette loi particulièrement sévère, de nombreuses publications réformatrices qui "dérangeaient" les conservateurs ont été suspendues. Le 23 avril, la justice iranienne a justifié la suspension de douze de ces publications dans le but de "dissiper les inquiétudes du peuple, du Guide de la République islamique et du clergé". "Malheureusement, des éléments infiltrés de l'ennemi ont pénétré dans les journaux où ils ont formé des bases" indique le communiqué. "Ces journaux sont, en conséquence, suspendus jusqu'à nouvel ordre afin de les empêcher de commettre de nouveaux délits, d'affecter l'opinion de la société et de susciter l'inquiétude de la population".

Les arrestations de journalistes se sont également multipliées. Certains d'entre-eux paient ainsi leur participation à une conférence qui s'était tenue à Berlin les 7 et 8 avril 2000 sur le thème "L'Iran après les élections". Celle-ci elle avait été qualifiée d'"anti-islamique" et d'"anti-révolutionnaire" par la télévision iranienne, qui en avait diffusé des extraits, le 18 avril. Pour la plupart des proches ou des partisans du président Khatami, ces journalistes ont été accusées d'avoir "porté atteinte à la sûreté nationale". Il est à craindre que d'autres arrestations surviennent dans les jours à venir. Au 14 août, quatorze journalistes sont emprisonnés et seize autres, sous le coup de poursuites judiciaires, sont menacés de l'être.


Chronologie

13 janvier 2001 : condamnation par le tribunal de la presse à Téhéran à deux ans d'interdiction professionnelle de l'éditrice Ftameh Farahmandpour de l'hebdomadaire suspendu Gounadoun.

13 janvier 2001 : Condamnation de quatre journalistes à des peines allant de quatre à dix ans de prison.
Pour en savoir plus, consulter le communique de presse du 13 janvier 2001

10 janvier 2001 : Condamnation d'Ibrahim Nabavi à huit mois de prison.
Pour en savoir plus, consulter la lettre de protestation du 12 janvier 2001

30 décembre 2000 : Arrestation et condamnation à quatre mois de prison d'Ali Afsahi, rédacteur en chef de Cinama-Varzech

17 décembre 2000 : Arrestation d'Ezatollah Sahabi, directeur du mensuel Iran-e-Farda

16 décembre 2000 : Libération de Massoud , collaborateur du journal Adineh, Neshat et des radios BBC et Voice of America.

9 décembre 2000 : Suspension, pour trois mois, du quotidien Ahrar

28 novembre 2000 : Suspension de l'hebdomadaire Iran-é-Javan

18 novembre 2000 : Libération sous caution d'Ibrahim Nabavi

15 novembre 2000 : Libération sous caution de Khalil Rostamkhani

24 octobre 2000 : Suspension des hebdomadaires Sobh-é-Omid, Mihan et Sepideh-é-Zendeghi.
Pour en savoir plus, consulter la lettre de protestation du 25 octobre 2000

23 octobre 2000 : La Cour d'appel iranienne ramène à trois ans la peine de prison d'Emadoldin Baghi.

20 septembre 2000 : Suspension de l'hebdomadaire Khalij-é-Fars.

7 septembre 2000 : Libération d'Hechmatollah Tabarzardi, rédacteur en chef d'Hoviyat-é-Khich

21 août 2000 : Libération de Ezatollah Sahabi, directeur du mensuel Iran-e-Farda.

21 août 2000 : Comparution des éditrices des revues Danesraniha et Gunagoun, Taraneh Behzadi et Fatmeh Farahmandpour, proches des réformateurs, devant le tribunal de la presse, à Téhéran. Les deux journalistes sont accusées de "propagande contre le régime, d'incitation à l'émeute, insulte aux responsables de l'Etat et propagation d'écrits contraires à la pudeur publique".

19 août 2000 : Interpellation de Behrouz Mahri, photographe à l'agence de presse AFP. Il se trouvait sur la place Baharestan, à Téhéran, où une manifestation d'étudiants était prévue. Le photographe a été relâché dans la nuit du 19 au 20 août.

13 août 2000 : Arrestation de Mohammad Ghoutchani, journaliste à Asr-é-Azadegan.

12 août 2000 : Arrestation d'Ibrahim Nabavi, collaborateur aux périodiques Jameh, Tous, Asr-é-Azadegan.

9 août 2000 : Arrestation de Massoud , collaborateur du journal Adineh, Neshat et des radios BBC et Voice of America.

8 août 2000 : Suspension du quotidien Bahar (le premier numéro était paru le 8 mai).

7 août 2000 : Arrestation de Ahmad Zeid-Abadi, journaliste au quotidien réformateur Hamchahri et au mensuel Iran-e-Farda en raison de son "refus de comparaître devant la cour".

6 août 2000 : Le Guide de la République islamique, l'ayatollah Sayed Ali Khamenei, en vertu de ses prérogatives constitutionnelles, contraint le Parlement à retirer de son ordre du jour un amendement visant à libéraliser la loi sur la presse.

5 août 2000 : Arrestation de Hassan Youssefi Echkevari, ancien collaborateur du mensuel Iran-e-Farda, pour avoir porté atteinte à la sécurité du pays" et "diffamation envers l'Islam et les autorités".
Condamnation de Ahmad Hakimi-Pour, directeur de l'hebdomadaire libéral Omid-e-Zanjan, à deux mois de prison et un an d'interdiction de toute activité journalistique, pour avoir "insulté les Gardiens de la Révolution".
Condamnation de Nasser Jafari, directeur de l'hebdomadaire Techmeh-e-Ardebil, à un mois de prison avec sursis et à une amende d'un million de rials (150 euros) pour "insulte envers les responsables du régime".
Suspension des hebdomadaires Tavana et Techmeh-e-Ardebil.

2 août 2000 : Suspension de l'hebdomadaire réformateur Ruzdara.

31 juillet 2000 : Condamnation de Mohammed Reza Zohdi, directeur du quotidien réformateur Arya, pour "diffamation" et "propagation de fausses nouvelles". Le journaliste, encore libre, fait appel de cette décision.

25 juillet 2000 : Suspension de l'hebdomadaire Gunagoun.

17 juillet 2000 : Condamnation de Emadoldin Baghi, journaliste au quotidien Fath, à cinq ans et demi de prison, pour "atteinte à la sûreté de l'Etat" et "propagation de fausses nouvelles".

26 juin 2000 : Arrestation de Ezatollah Sahabi, directeur du mensuel Iran-e-Farda, pour sa participation à une conférence à Berlin, les 7 et 8 avril 2000, sur le thème de l'Iran, après les élections législatives. Cette conférence a été jugée "anti-révolutionnaire" et "anti-islamique" par la télévision iranienne.

25 juin 2000 : Suspension du quotidien Bayan.

17 juin 2000 : Arrestation de Hechmatollah Tabarzardi, rédacteur en chef du journal Hoviyat-é-Khich, vraisemblablement pour une lettre ouverte adressée au président Khatami dans laquelle il lui demandait de faire toute la lumière sur les arrestations d'étudiants en avril 2000.

29 mai 2000 : Arrestation de Emadoldin Baghi pour avoir critiqué la peine de mort.

23 mai 2000 : Suspension du quotidien Mellat (le premier numéro était paru la veille).

16 mai 2000 : Suspension du quotidien Ham-Mihan.

8 mai 2000 : Arrestation de Khalil Rostamkhani, coéditeur du journal anglophone Iran Echo, pour avoir traduit des actes d'intervention des journalistes et écrivains iraniens à la conférence de Berlin des 7 et 8 avril 2000.

3 mai 2000 : A l'occasion de la journée internationale de la liberté de la presse, les journalistes iraniens se réunissent pour célébrer cette date et annoncent la création d'une caisse d'aide à leurs collègues mis au chômage par la suspension de leurs journaux.

27 avril 2000 : Suspension des deux publications Moscharekat et Ava.

24 avril 2000 : Suspension des quotidiens Sobh-é-Emrouz et Akhbar Eghtesad.

23 avril 2000 : Arrestation de Latif Safari, directeur de Neshat, pour avoir publié des articles contre la peine de mort.
La justice iranienne suspend neuf quotidiens réformateurs : Asr-é-Azadegan, Fath, Gozarech-é-Rouze, Bamdad-é-Emrouze, Aftab-é-Emrouze, Peyam-é-Azadi, Arya, Azad, Bamdad-é-No, trois hebdomadaires : Peyam Hajar, Aban, Arzech et un bimensuel Iran Farda. Dans un communiqué publié par l'agence IRNA, la justice affirme que la fermeture de ces journaux a été décidée afin de "dissiper les inquiétudes du peuple, du Guide de la République islamique et du clergé". "Malheureusement, des éléments infiltrés de l'ennemi ont pénétré dans les journaux où ils ont formé des bases" a indiqué le communiqué de la justice. "Ces journaux sont, en conséquence, suspendus jusqu'à nouvel ordre afin de les empêcher de commettre de nouveaux délits, d'affecter l'opinion de la société et de susciter l'inquiétude de la population".

22 avril 2000 : Arrestation d'Akbar Ganji, journaliste de Sobh-é-Emrouz, notamment en raison d'articles mettant en cause des responsables iraniens dans les meurtres en série d'intellectuels et d'opposants en 1998.

20 avril 2000 : L'ayatollah Khamenei accuse certains journaux nationaux d'être devenus, selon lui, "des bases de l'ennemi à l'intérieur du pays".

17 avril 2000 : Le Parlement iranien sortant, dominé par les conservateurs, adopte définitivement une proposition de loi controversée, renforçant les sanctions pour délits de presse.

Liste des journalistes emprisonnés

Dix journalistes emprisonnés :

Juin 1997 - Morteza Firouzi, Iran News
27 novembre 1999 - Abdollah Nouri, Khordad
10 avril 2000 - Machallah Chamsolvaezine, Neshat
22 avril 2000 - Akbar Ganji, Sobh-é-Emrouz
23 avril 2000 - Latif Safari, Neshat
29 mai 2000 - Emadoldin Baghi, Fath
5 août 2000 - Hassan Youssefi Echkevari, Iran-e-Farda
7 août 2000 - Ahmad Zeid-Abadi, Hamchahri
17 décembre 2000 - Ezatollah Sahabi, Iran-é-Farda
30 décembre - Ali Afsahi, Cinama-Varzech

Directeurs de journaux ou journalistes poursuivis :

Nik Ahang-Kosar, Azad
Hamid-Reza Jalaï-Pour, Tous
Ali-Reza Alavi-Tabar, Sobh-é-Emrouz
Kazem Kardavani, Jameh Salem
Mohammad Mahdavi-Khorami, Aftab-é-Emrouz
Fereidoun Amouzadeh-Khalili, Gozarech-é-Rouz
Issa Sahakhiz, Akhbar Eghtesad
Gholamhossein Karbastchi, Ham-Mihan
Mohammad-Reza Khatami, Moscharekat
Hamid-Reza Kaviani, Asr-é-ma
Ali Akbar Mohtachemi, Bayan
Saïd Pour-Azizi, Bahar
Ahmad Hakimi-Pour, Omid-e-Zanjan
Nasser Jafari, Techmeh-e-Ardebil
Meranghiz Kar
Chirine Ebadi
Khalil Rostamkhani, Iran Echo
Ibrahim Nabavi, Tous
Massoud , Adineh